Espace Méditerranéen de la Culture Photographique

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Publié le : 8 nov. 2002

Photographe comme tout le monde ?

La photographie dès sa naissance fut une forme de recherche scientifique par la conception et l’amélioration d’appareils photographiques pour la prise de vue et par les différents procédés chimiques de développement et de tirages afin d’avoir une représentation de l’élément pris en photographie. Tout individu, qui pratique ou non la photographie de nos jours, est entouré d’images fixes ou mouvantes, elles font partie du quotidien, elles reflètent le réel, l’imaginaire, le passé et le présent.

Les questions que l’on pourrait se poser sont : de nos jours, pourquoi un individu fait-il de la photographie ? Quel regard porte-t-il et quel comportement a-t-il envers la photographie et les différents outils qui se perfectionnent et qui sont à sa disposition ?

De nos jours, décider de faire de la photographie peut paraître aisé dans la mesure où il y a un vaste choix en matière d’équipement photographique. Il est intéressant de remarquer ce que peut apporter la photographie à un individu. En effet, le fait de prendre des photographies, d’en conserver ou de les regarder apporte des satisfactions dans cinq domaines, « la protection contre le temps, la communication avec autrui et l’expression des sentiments, la réalisation de soi-même, le prestige social, la distraction ou l’évasion » (étude psychologique citée dans Bourdieu, Art moyen, Ed. de Minuit).

Ce qu’il faut également considérer dans les groupes qui font de la photographie c’est ce qui amène un individu à faire de la photographie, c’est à dire si c’est à titre professionnel et quel type de profession, à savoir le journalisme, le reportage, la mode, la publicité, ou à titre de loisir. Dans chaque cas, l’investissement sur le matériel, le regard et le comportement photographique sont bien sûr différents.

Ce vaste choix de matériel photographique sous-entend la détermination d’un budget consacré à cette activité et « l’explication psychologique par les motivations trouve son meilleur argument dans le fait que la possession d’un appareil photographique est fortement liée au revenu, ce qui semble autoriser à considérer l’appareil photographique comme bien d’équipement comparable à l’automobile, à la télévision et à ne voir dans la possession d’un tel bien qu’un indice de niveau de vie » et « l’achat d’un équipement coûteux semble déterminé par les habitudes de consommation qui portent à n’acheter que des produits de qualité plus souvent par une transformation qualitative de l’intention photographique » (Bourdieu, Art moyen, Ed. de Minuit). Plus l’investissement est important plus l’idée selon laquelle la photographie est meilleure se généralise. De même, on peut constater avec la vague de commercialisation auprès du grand public des micro-ordinateurs et des périphériques (imprimantes, scanner etc.…) comme bien d’équipement, que de plus en plus de personnes s’adonnent progressivement à la manipulation de leurs propres photographies. L’arrivée du tout numérique – appareil photographique numérique et envoi des images directement sur micro-ordinateur – permet d’effectuer, sans passer par un laboratoire, des tirages au support numérique. On peut également observer le lien entre le choix d’un matériel informatique coûteux avec l’attente d’un résultat de qualité. Cet investissement coûteux permet d’avoir de bonnes qualités de tirages sur de bon supports, mais cela ne signifie pas pour autant que la photographie en elle même revêt une valeur artistique.

Ainsi le regard photographique porté par la personne qui entreprend de faire des photographies est différent selon la catégorie sociale, le revenu et le choix des outils tant en ce qui concerne la prise de vue que le développement et le tirage photographique.

La pratique photographique est donc très variable en fonction du choix de l’individu. D’un côté, nous trouvons les irréductibles passionnés du traitement de la photographie argentique (généralement en noir et blanc), qui ont leur propre laboratoire et qui s’adonnent aux joies du traitement, de la prise de vue au tirage sur papier et dont certains ont une approche photographique plus recherchée qui dépasse le cadre de la seule représentation du réel qui serait liée à un événement tel qu’un mariage, un baptême, un voyage touristique… Ceux là on une vision plus artistique ou du moins ont une intention plus proche de ce qu’on l’on appelle l’art photographique.

D’autres ont pris le parti de ne s’occuper que de la prise de vue, puisque la multiplicité des laboratoires permet le traitement des pellicules. Dans ce groupe de personnes, le choix de l’appareil photographique, du type de pellicule, du type de développement, du tirage mais aussi du sujet et du contexte qui amènent la prise de la photographie, nous donne des éléments qui permettent de déterminer si la personne effectue des travaux photographiques à visée artistique ou non.

D’autres ont pris le parti de retravailler, de retoucher eux-même leur photographie qui peut être à la base argentique ou numérique, sur micro-ordinateur. Cette entrée du traitement numérique modifie les comportements de ces personnes. En effet les montages et trucages semblent beaucoup plus accessibles. Il faut cependant distinguer les images qui sont par exemple à destination de la publicité et les images de photographes qui usent du montage pour un résultat particulier. D’ailleurs, l’idée selon laquelle le trucage photographique dénigrerait la dimension artistique de la photographie serait fausse. En effet des photographes tels que Man Ray, Dora Maar, Robert Demachy, Gilbert Garcin, pour ne citer qu’eux, n’ont pas attendu l’ère du numérique pour faire des montages photographiques. Il serait davantage question du contenu et de l’expression artistique photographique. Il s’agit de se demander qui fait quel type de photographie et en connaître ses motivations. L’équipement accompagne les idées créatrices, mais ne se substitue pas à celles-ci.

La photographie est une image qui nous accompagne de manière directe ou indirecte, elle apporte des satisfactions à l’individu qui entreprend d’en faire. Il ne faut pas oublier que le regard porté à l’appareil photographique ainsi qu’à la photographie elle même tout comme son usage varient selon la classe sociale et la représentation que l’individu se fait de la photographie. D’un côté nous avons l’aspect industriel et d’un autre une volonté de création artistique. La photographie loin de se méfier de ces différentes évolutions techniques doit plutôt les utiliser afin de rester une source de richesse artistique, car ce qui doit rester vrai c’est justement la démarche artistique du photographe, si bien sûr, démarche artistique il y a, ainsi que les sensations qu’elle peut provoquer chez la personne qui regarde l’image. Il serait dommage que la photographie reste un pur produit industriel, que l’on consomme sans en avoir le goût.

Sahbia GALAÏ

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