Espace Méditerranéen de la Culture Photographique

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Publié le : 4 nov. 2002

Photojournalisme et sentiments

La photographie peut-elle nous apporter des éclaircissements ainsi que des éléments de réflexions sur nos sentiments : Prague 1968 et New York 2001.

Les deux manifestations photographiques estivales du sud de la France, les rencontres internationales de la photographie (RIP) d’Arles et le festival du photojournalisme de Perpignan ont offert au grand public, grâce à leur programmation, matière à réfléchir sur le degré d’émotivité de nos sociétés occidentales au travers de deux évènements : Prague 1968 et New York 2001.

En août 1968, les chars soviétiques pénétraient dans Prague, capitale tchécoslovaque, marquant l’hostilité de l’union soviétique aux réformes prises par Alexandre Dubcek, 1er secrétaire du parti communiste tchécoslovaque. L’intervention des troupes du pacte de Varsovie ouvrait la voie à la normalisation en écrasant « le socialisme démocratique ». Les moments praguois furent immortalisés par Josef Koudelka, seul photographe présent lors de ces évènements et invité des 33emes RIP d’Arles. Dans le contexte de guerre froide, les conséquences de l’intervention soviétique renforcèrent et stigmatisèrent l’occident dans ses sentiments anti-communistes à l’égard des prouesses diplomatiques de Moscou. Ainsi l’occident pouvait objecter : « regardez comment un si grand pays traite ses alliés ».

Trente trois ans après, la guerre froide n’est plus, l’union soviétique s’appelle Russie, le pacte de Varsovie est dissout et la Tchécoslovaquie est scindée en deux pays : la Tchéquie et la Slovaquie.

Le 11 septembre 2001, deux avions sur quatre s’écrasent à New York, sur les tours jumelles. Cette fois-ci cet événement sera immortalisé non par un Koudelka mais par des milliers figeant l’attentat et l’indignation. Tout comme l’entrée des chars soviétiques en 1968, les conséquences de l’effondrement du World Trade Center renforcent d’une part l’Amérique, stigmatisent et entretiennent l’amalgame entre arabes musulmans et intégristes, dans un contexte qui fait rejaillir des sentiments racistes plus ou moins enfouis. Ainsi, les prouesses diplomatiques de Washington à l’égard de ces pays alliés, ici l’Arabie Saoudite et l’Afghanistan, permettaient à l’occident de se renforcer dans ses sentiments anti-musulmans mais sans objecter jamais, ou que trop rarement : « regardez comment un si grand pays traite ses alliés ».

Si le degré d’émotivité en occident fut fort autour de ces deux évènements, les causes de ces émotions sont de compositions différentes. Le degré d’émotivité varie selon le rapport que nous entretenons avec l’imaginaire que notre environnement a su développer autour de l’Amérique et de l’Union Soviétique.

La première continue à nourrir des symboles de rêves, de liberté, d’espoir, de richesse facile à monter… C’est l’Amérique de Manhattan, celle des premiers migrants-bâtisseurs, celle de la conquête de l’ouest, celle de John Wayne, celle de Ronald Reagan. Mais dans l’effondrement des tours, la poussière recouvrait encore un peu plus l’expropriation des indiens de ce même Manhattan, le génocide de ces derniers sur environ 150 ans, les politiques dites de « tolérance zéro »… tandis que l’occident détestait l’URSS, mélangeant volontiers communisme et stalinisme anéantissant toute forme de liberté et emprisonnant ses alliés dans un pacte de défense créant le désordre sur toute la planète. Mais voilà qu’un jour de 1991 l’URSS n’est plus, mais que le désordre persiste.

Les deux rencontres photographiques tant dans leur forme que dans leur fond permettent de réfléchir plus posément à ces moments historiques. Naviguez de salles en salles et croisez les photographies de la palestinienne Raeda Saadeh, au corps recouvert de peaux d’animaux, ou bien celle de l’algérienne Taysir Batniji, femme à la bourca. Militons pour un repositionnement de nos sentiments vis à vis du 11 septembre 2001.

Fabien LEBLANC

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