Espace Méditerranéen de la Culture Photographique

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Publié le : 2 jan. 2002

Dialogue à la Collection Lambert

Lors d’une visite de la Collection Lambert en Avignon, face à deux œuvres, nous nous sommes surpris à réagir de façon radicalement différentes mais aussi sensibles. Tort ou raison, vrai ou faux, le langage de l’art est multiple…

Mercredi 16 octobre 2002, Avignon, exposition Yvon Lambert, dans la Grande Galerie, face à une photographie de Claude Lévêque (1994) :

« Je pense que vous comprendrez mieux cette photo en montant à l’étage… »

Au premier plan de la photo un grillage, au dernier une maison de banlieue entourée de gazon tondu sous un ciel chargé sur lequel est écrit : « Prêts à crever ? ».

A l’étage, une porte close d’où l’on perçoit des vibrations. A l’intérieur, ronronnements obsédants, lumière au néon rouge serpentant sous de basses arcades, fumée épaisse.

« Alors ? »
– « C’est un monde de fou ! »

L’installation de C. Lévêque date de 2001 et s’intitule : « j’ai rêvé d’un autre monde. »

Retour à la Grande Galerie, devant la photographie.
« Ca rimait à quoi d’aller là-haut ?
– C’est évident ! La pièce rouge, c’est l’intérieur de la maison puisqu’il est écrit « Prêts à crever ? » et que cette maison est celle des fous. Moi je ne trouve pas cela insupportable, au contraire, j’aime bien.
– Non, je ne crois pas. D’après moi, la photo et la pièce représentent un monde à fuir. La photo de cette maison de banlieue posée sur une pelouse bien tondue, prisonnière d’un grillage infranchissable est une image d’un symptôme de l’aliénation du monde moderne. La pièce rouge quant à elle est un moyen de nous faire revivre les agressions quotidiennes. On peut voir effectivement une cohérence entre ces deux œuvres : la pièce rouge rassemble les aspects insupportables de notre monde et la maison qui constitue généralement notre refuge, ne nous préserve plus de ce monde impersonnel.
– Il rêve d’un autre monde, c'est-à-dire que cette pièce rouge est son autre monde et qu’il se trouve dans la maison, tu comprends ? En aucun cas elle est maléfique. »

Sur un désaccord nous convenons qu'au moins deux visions peuvent se côtoyer. D'une part celle qui dit que l'artiste a rêvé d'un autre monde et nous le présente à travers ses œuvres, d'autre part celle qui voit une invitation à rêver d'un autre monde et condamne celui dans lequel nous vivons.

Rechercher une explication et savoir si elle est vraie ou pas, peu importe, ce qui compte c'est que l'œuvre d'art dégage différentes versions, affects, sans pour autant trouver le juste. Se pose alors la question de savoir si une œuvre d'art peut être objective. En ce qui concerne les liens tissés entre les œuvres, ils sont inévitables car inhérents à notre conscience. On ne peut se contenter d’œuvres rigoureusement indépendantes, qu’elles soient du même auteur, de la même époque, sur le même thème, dans le même style… Finalement ces rapprochements sont utiles au spectateur pour élaborer son propre discours autour de l’œuvre, se forger une vérité autour d’elle. Mais il faut faire attention à ne pas prêter de fausses intentions à l’auteur.


F. Lalbat
F. Leblanc

Si vous connaissez une de ces oeuvres, les deux, que vous avez vécu une expérience similaire ou que la notre vous fait réagir, offrez-nous votre vision en envoyant un mail à culturephoto@free.fr. Votre avis pourra être publié (avec votre accord) et viendra enrichir cet article.

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